#Vlog 10 : Le couple élu local et agent territorial : je t’aime, moi non plus

Bonjour à tous,

Pour ce 10ème numéro de notre vidéoblog : « Maires et Pairs », je vous propose de traiter un sujet qui est au cœur de la vie de la commune, et qui peut parfois fâcher : à savoir les relations entre élus locaux et agents territoriaux.

Il s’agit là d’un couple indissociable, comme l’on dit. Et pour ceux qui connaissent la situation des petites communes, le couple maire-secrétaire de mairie représente effectivement le pôle essentiel du bon fonctionnement et de la bonne organisation de la mairie, mais aussi de la commune.

Et pour les grosses communes, les relations entre maires et DGS sont parfois source de tension, comme le rapporte la Gazette des communes dans son numéro du 07/06/2019, où il est question de (je cite) « ces DG qui font de l’ombre aux élus ».

Mais par-delà ces situations, ce sont globalement les relations entre élus locaux et agents des services de la commune, sur lesquelles je vous propose de zoomer.

Fonction politique et Fonction technique : où est passée la frontière ?

Reprenons les propos de l’article de la Gazette des Communes :

« Devoir de réserve. Jadis, les rôles étaient simples. Le maire décidait et son secrétaire général exécutait. L’élu municipal était donc le seul habilité à communiquer publiquement. L’époque a changé et les cadres territoriaux acceptent de moins en moins de rester dans l’ombre. »

Effectivement, le principe était simple : la politique était l’apanage de l’élu, et la technique celui du DGS. Mais les choses ont changé, et il y a une superposition progressive de ces 2 fonctions complémentaires.

Ainsi, Philippe Laurent, secrétaire générale de l’Association des Maires de France s’est exprimé en disant :

« qu’il est normal que les DG s’expriment publiquement sur des enjeux techniques. Mais, sous couvert d’une certaine technicité, ils s’emparent de sujets à forte valeur politique pour influer sur les choix. C’est dangereux à terme car, sans légitimité démocratique, il y a un risque de technocratisation de l’action publique territoriale. Les élus doivent mieux prendre conscience de leur responsabilité d’employeur. »

La délimitation entre les 2 types de fonctions n’est pas une frontière précise et étanche, et elle est forcément poreuse, pour permettre une bonne complémentarité des rôles.

Cette frontière varie en fonction de la personnalité des individus qui incarnent les 2 fonctions, de leur compétence réciproque sur les sujets communs, et de la délégation donnée ou… prise.

Et si cela est vrai pour une grosse collectivité, le cas peut être encore plus flagrant dans une petite commune, où le maire nouvellement élu ne connait pratiquement rien au fonctionnement de la mairie, et globalement de la commune, alors que la secrétaire de mairie peut être en poste depuis de nombreux… mandats.

Or le premier acte quasiment que va réaliser le maire est de « bâtir » un budget sans aucune expérience précédente. Au-delà de la technique budgétaire, cet acte est éminemment politique, car les décisions vont impacter la première année de mandat. Or souvent les décisions sont prises par … la secrétaire, sous couvert du Maire.

Et pour peu que cela dure, c’est donc l’agent qui va « piloter » l’élu. Mes propos peuvent sans doute être jugés politiquement incorrects… mais ils sont techniquement justes et vérifiables dans de nombreuses petites communes.

Pourquoi ces évolutions ?

Sans prétendre à une analyse exhaustive, mais il est évident que 2 facteurs importants sont à prendre en compte :

  • L’évolution des moyens de communication
  • La compétence des personnes en place.

L’explosion des moyens de communication numériques et instantanés a changé la donne dans la forme, et ceci a une conséquence sur le fond. Quand la prise de parole était véhiculée uniquement via un courrier ou une allocation publique, le formalisme ralentissait les flux d’information (à la fois en termes de volume et de vitesse). Avec les réseaux sociaux, tout le monde peut s’exprimer … sur tous les sujets qui l’intéressent. Et il n’est plus indispensable d’y être autorisé officiellement pour s’y sentir autorisé.

Par ailleurs la « montée en compétences » est un autre aspect à prendre en compte. Les élus locaux vont moins souvent en formation que les territoriaux. Dans les petites communes, la grande majorité des élus locaux (80%) ne participent d’ailleurs à aucune formation au cours de leur mandat alors que les territoriaux doivent se former pour assumer de nouvelles fonctions avec l’avènement des nouvelles technologies, qu’ils maîtrisent de fait mieux que les élus.

La transition numérique avance donc plus vite du côté des agents et cadres territoriaux que des élus. Et celles ou ceux qui tiennent le volant peuvent naturellement influer sur la destination du voyage.

Des élus « techniciens » ?

En parallèle avec le débordement du rôle des agents sur celui des élus, il est intéressant de considérer la dérive dans l’autre sens : quand les élus se prennent pour des techniciens.

Ainsi je suis toujours interloqué quand des élus, qui participent à une réunion de nature technique « oublient » de transmettre la parole à l’agent ou au cadre dont c’est la mission, et que celui-ci écoute doctement en approuvant le point de vue de l’élu… alors qu’il en connait moins que lui sur le sujet.

Ainsi les professionnels rencontrés lors du dernier salon des maires, que j’étais venu interviewé sur leurs relations avec les élus m’ont avoué, que leurs interlocuteurs avaient souvent tendance à leur expliquer leur métier…  au lieu de leur demander des informations.

L’élu se prend donc parfois pour un super technicien, et a tendance à son tour à empiéter sur le domaine de compétence des agents. C’est compréhensible dans une petite commune, où ce sont parfois les élus qui, faute de ressources humaines, deviennent eux-mêmes les techniciens non-salariés de la collectivité.

Quelles pistes d’amélioration ?

Une meilleure connaissance réciproque des responsabilités partagées entre élus et agents ou cadres territoriaux me semble être une des premières pistes utiles. Pour cela il est sans doute nécessaire de relire les textes réciproques, (fiches de fonction, délégations, statut de l’élu, …) et de les préciser si utile. Une formation des élus, entendez de tous les élus et pas seulement des maires, à leurs propres fonctions, et aux règles de la fonction publique territoriale pourrait également être utile, pour une meilleure prise en compte des apports réciproques.

Au-delà de la connaissance, une reconnaissance de la valeur complémentaire de chacun, via une bonne communication au quotidien et une mise en valeur des mérites des 2 parties serait sans doute mutuellement profitable aux 2 intéressés, donc à la collectivité.

Enfin, une piste évidente, mais pas simple à concrétiser est d’éviter de se prendre pour sa fonction. La personne et la fonction sont 2 entités distinctes que l’égo a tendance à assimiler. La vie politique est un grand « JE », alors qu’elle devrait être un « NOUS ».

Et pour conclure provisoirement sur ce sujet, je citerai Albert Einstein :

« La tâche principale de l’esprit est de libérer l’homme de son ego »

Et là, nous avons tous du pain sur la planche.

Et vous qu’en pensez-vous ?

Je vous invite réagir, commenter, ou donner votre avis sur ce sujet. Viatic travaille à la création d’un espace collaboratif d’aide au pilotage des collectivités pour favoriser la collaboration entre élus, mais aussi avec leurs collaborateurs territoriaux.  Car si le pilote tient le volant, le co-pilote regarde la carte pour éviter les obstacles.

Ce numéro de Maires et Pairs arrive à sa fin. Bonne semaine à vous tous, élus et territoriaux.

Merci de votre écoute ou lecture.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *